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Les échos de la saison 2025/2026

Les Échos du Concert du Samedi 4 octobre 2025

DES MONUMENTS GRAVIS PAR LE QUATUOR AKOS

Le Quatuor Akos est venu nous régaler le 4 octobre dernier avec deux monuments du répertoire classique. En première partie, le 14e Quatuor « La Jeune Fille et la Mort », où les angoisses de Franz Schubert se font jour.
Composé presque en même temps que le précédent en mars 1824, ce célébrissime quatuor en ré mineur a subi quelques ultimes retouches deux ans plus tard. Juste au moment de sa première exécution qui, contrairement à ce qui s'était passé pour le treizième en la mineur, se heurta à l'incompréhension générale. Sans doute y avait-il, après une oeuvre certes tragique mais au lyrisme assez intime, de quoi être décontenancé par l'angoissant climat de violence éruptive de ce nouveau quatuor tout entier hanté par le thème de la mort. Ici en effet, de la première à la dernière note, « les angoisses du compositeur devant cette mort dont il sait qu'elle l'habite, le réclame, le séduit et le berce à l'avance en même temps qu'elle le révulse et l'indigne, se succèdent et se heurtent entre abandon presque filial et rage contre l'implacable compagne qui l'entraîne ». Tout est dit !
Dernière oeuvre totalement achevée de Beethoven, qui l'écrivit entre juin et octobre 1826, le seizième quatuor (opus 135 en fa majeur) se démarque nettement des précédents. On a ici une écriture acérée, « la finesse de la polyrythmie et tous les nombreux aspects prémonitoires de cet ultime chef-d'oeuvre » qui, même s'il appartient plus que les autres derniers quatuors à l'idéal architectural hérité de Haydn et de Mozart, déploie des inflexions d'une furieuse modernité. « On croit par moments entendre non du Beethoven, mais du Bartok et du Schönberg, voire du Webern » disent les musicologues.

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Mais qu'à cela ne tienne, le Quatuor Akos a transmis avec un infini talent, des archets de circonstance et une verve tout à fait minutieuse et ciselée la richesse de ces deux oeuvres pas spontanément faciles à décliner et à transcrire. C'est sans doute là que résident leur talent et leur propension à traduire avec empathie des oeuvres promptes à déclencher un spleen mal venu. À aucun moment, ils n'ont laissé transparaître une quelconque mélancolie à travers la justesse et la finesse de leur interprétation. Précis, fidèles à la partition, complices dans les partitions de chacun, ils ont extrait la quintessence de ces deux oeuvres pas forcément faciles au premier abord. Mais il en faudrait plus pour troubler la belle complicité de ces quatre artistes, minutieux et explicites au chevet de leurs instruments respectifs. Tous quatre auront marqué les esprits des mélomanes et habitués des Concerts Classiques d'Epinal. Une belle découverte qui en appelle peut-être d'autres dans l'avenir. Tous les spectateurs en garderont de toute évidence un souvenir ému tant la difficulté évidente de tels morceaux s'est transformée en atouts plaisants. C'est bien là tout l'enjeu de l'interprétation d'une oeuvre quelle qu'elle soit et sans conteste, ils ont montré une infinie justesse et une belle complicité qu'on n'est pas prêt d'oublier sous les cintres de la Louvière.

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Que dire enfin de Kol Nidre (Quartet de Sade. John Zorn) ! Si la musique de chambre occupe une place particulière dans notre société, le quatuor à cordes en est peut-être le summum, ou du moins le passage obligé pour les compositeurs voulant être pris en compte. Il faut bien avouer que les Mozart, Beethoven, Webern ou Ligeti ont tous emprunté cette figure imposée. Il fallait donc bien qu'un jour John Zorn, musicien touche-à-tout, s'y intéresse. Afin de montrer que les frontières sont faites pour être franchies et que le cercle des grands compositeurs n'est pas insubmersible. Une frontière franchie par John Zorn en 1999 et rendue avec maestria par le Quatuor Akos. Et comme la pochette du disque de John Zorn le laisse à penser, si l'homme est mortel, les quatuors à cordes sont immortels ! Ou alors traversent le temps !
Jean-Pierre Bégel

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Les Échos du Concert du Samedi 27 septembre 2025

ALEXANDRE LE GRAND !

Ce n'était pas tout à fait l'affluence des concerts du Nouvel An mais on y était presque, ce samedi 27 septembre, à la Rotonde de Thaon-les-Vosges ; ce concert de l'Orchestre philharmonique de Strasbourg était très attendu par les mélomanes vosgiens et d'ailleurs : certains de Nancy, d'autres de Strasbourg.
Était aussi attendu Alexandre Kantorow, soliste invité, qui, d'un pas rapide, alerte rejoint le Steinway de concert. L'heureux finaliste du Concours Tchaïkovski en 2019 mène depuis une carrière sur tous les continents à la rencontre des chefs, des orchestres et des salles les plus renommés. Cette gloire n'a entaché ni sa simplicité ni son accessibilité comme le public a pu le constater lors d'une séance de dédicace de disques.

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Le compagnonnage d'Alexandre avec l'Orchestre philharmonique de Strasbourg date de quelques années, c'est cet orchestre qu'il choisit pour ses débuts dans le Troisième Concerto pour piano de Serge Prokofiev qu'il jouera en mars 2026 à la Philharmonie de Paris avec l'Orchestre philharmonique de la Scala de Milan et Riccardo Chailly.
Terminé en Bretagne en 1921, ce Troisième Concerto est le plus populaire des cinq laissés par le compositeur. Il doit cette popularité à son scintillement orchestral, à sa vivacité rythmique et à son subtil équilibre entre sarcasmes, thèmes populaires et une virtuosité solistique de chaque instant culminant dans une course vertigineuse d'arpèges dans la dernière variation du deuxième mouvement. Doté de moyens digitaux époustouflants, Alexandre Kantorow rend justice à cette partition où les instants poétiques et raffinés sont à mille lieux de l'esbroufe sonore non justifiée, trop souvent entendue sous d'autres doigts. Avec son sens du raffinement, notre soliste recherche la clarté des lignes et la variété des couleurs en accord avec les musiciens de l'Orchestre dirigés admirablement par Ana Maria Patino-Osario. Cette jeune cheffe d'orchestre - elle est née en 1995 en Colombie - se révèle avec une gestique précise et souple.
On avait pu s'en assurer avec une Ouverture Rosamonde de Schubert allante, bondissante en ouverture de concert, puis avec une Deuxième Symphonie de Beethoven énergique, primesautière. De la belle ouvrage !
Olivier Erouart

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