Les échos de la saison 2023/2024
Les échos du week-end « musiques de films »
Une nouveauté qui a marqué la fin de la saison des Concerts Classiques d'Épinal
La clôture de la saison 2023-2024 a été marquée par une nouveauté : tout un week-end mettant en évidence les liens étroits entre les 4ème et 7ème Arts par de nombreuses manifestations autour des musiques de films.
Ce grand week-end musical s'est ouvert le vendredi 15 mars au soir avec l'orchestre Vents et Percussions du Conservatoire Gautier d'Épinal permettant aux élèves, encadrés par leurs professeurs, de se produire sur un programme spécialement élaboré pour l'occasion.
Samedi 16 en fin de matinée, la cinquantaine de musiciens de l'Orchestre d'Harmonie d'Épinal ont fait vibrer - et parfois même trembler - le public avec la musique de nombreux films dont les Dents de la Mer, Le professionnel et La Strada. La douce musique de Mon Voisin Totoro a ravi les plus jeunes et évoqué le concert suivant.
Max Dozolme, chroniqueur notamment à France musique (Maxxi Classique), a mis en exergue les influences musicales de John Williams et son art de suggérer les actions cinématographiques lors de sa conférence « John Williams, tout un monde musical » tenue samedi après midi à la BMI d'Épinal devant un public connaisseur.
En soirée du samedi, Eric Artz a enchanté les spectateurs, jeunes et moins jeunes. Sa connivence avec le public et sa grande virtuosité ont fait voyager au pays Miyasaki et Hisaishi ; la salle participa avec enthousiasme à différents quiz. Ce fut une soirée inoubliable tant pour les connaisseurs (souvent les plus jeunes) que pour ceux qui ont découvert l'univers de la « Princesse Mononoké ».
C'est à la Rotonde de Thaon que le dernier concert de cette saison a eu lieu avec l'Orchestre National de Metz Grand Est sous la Direction de David Reiland. Après une première partie avec le saxophoniste Vincent David, l'Orchestre a déroulé son programme de musiques de film passant d'Harry Potter à Indiana Jones. Répondant au rappel du public, il clôtura la saison par l'interprétation de « Il faut sauver le soldat Ryan »
Les Échos du Concert du Dimanche 11 février 2024
Un duo délicieux
Dédié à l'inoubliable chef d'orchestre Seiji Ozawa, décédé le 6 février 2024, l'une des dernières légendes vivantes de la musique classique, qui savait tant sublimer la musique à la tête des plus grands orchestres du monde, ce concert apéritif s'ouvrait sous les meilleurs auspices, ceux de la jeunesse et du talent.
Issu de la rencontre entre un piano et une clarinette, le duo « Anthémis » a fait éclore à l'Auditorium de la Louvière mille fleurs aux parfums délicats et aux notes colorées. Fidèles à leur tradition, les Concerts Classiques d'Epinal avaient invité Juliette Boubel et Florent Charpentier, artistes « régionaux » à la carrière internationale, à faire s'épanouir leurs dons mêlés dans un beau programme jazzy.
Commencé dans une atmosphère de piano-bar avec la Sonatine pour clarinette et piano de Joseph Horovitz, le concert dégageait immédiatement un souffle de liberté et de spontanéité, alternant les couleurs du jazz entre joie de vivre et nostalgie. L'enchaînement avec la Rhapsodie pour clarinette et piano de Claude Debussy permettait aux deux artistes de visiter toutes les possibilités sonores et expressives de leurs instruments, en particulier la clarinette repoussant les limites du rêve et de la poésie, irisant jusqu'à l'enchantement. Puis la Sonate pour clarinette et piano de Francis Poulenc dont les musiciens déroulaient toute la palette des registres de son art avec son triste allegro ma non troppo, avant d'aborder lentement ce Lamento dédié à Arthur Honegger dans un deuxième mouvement élégiaque et lyrique, puis sans transition un finale allegro con fuoco puissant et éclatant. Enfin, le duo offrait une dernière gourmandise avec Scaramouche de Darius Milhaud, sorti de la Commedia dell'arte pour entamer une samba populaire endiablée, aux rythmes brésiliens enjoués et déhanchés. De quoi déclencher des applaudissements nourris et mérités.
Après la dégustation musicale, le public et les artistes ont partagé les saveurs du cocktail convivial, en pensant à l'Ecume des Jours de Boris Vian :
« Prendras-tu un apéritif ? demanda Colin. Mon pianocktail est achevé... Le résultat dépasse mes espérances. À chaque note, je fais correspondre un alcool, une liqueur ou un aromate...
Chick se mit au piano. À la fin de l'air, une partie du panneau de devant se rabattit d'un coup sec et une rangée de verres apparut. Deux d'entre eux étaient pleins à ras bord d'une mixture appétissante. »
Et chacun de s'exclamer : « A votre santé ! »
Jean-Pierre Moinaux
Les Échos du Concert du Jeudi 25 janvier 2024
Le quatuor à cordes Ludwig ou l'osmose de 16 cordes
La musique symphonique a un pouvoir de séduction immédiat tant sur le plan visuel - l'attrait du nombre de musiciens sur une scène, l'éventail des instruments - que sonore du ppp au fff.
Par son apparente austérité, la musique pour quatuor à cordes est plus exigeante pour le compositeur et pour l'auditeur.
Selon le musicologue Bernard Fournier, le quatuor à cordes est « le genre "pur" par excellence : tel que l'a créé Haydn, il consiste en un dialogue musical abstrait entre quatre instruments aux possibilités équivalentes, aux timbres homogènes, grâce auquel se joue une dialectique de la fusion et de la dissociation. » Le violoniste de l'Orchestre philharmonique de Strasbourg et quartettiste Thomas Gautier insistait lors d'un entretien avec l'auteur de ces lignes sur « l'écoute et le dialogue qui sont des qualités primordiales comme dans les rapports humains. En effet, il est assez fréquent de comparer, non sans une légère note d'humour, la vie de quatuor à un mariage à 4. Je trouve magnifique la capacité d'osmose de cette formation où l'homogénéité des timbres peut faire sonner le quatuor comme un seul instrument à 16 cordes mais également quand les quatre personnalités ressurgissent et dialoguent chacune avec leur propre caractère. » Qualités qui ne s'acquièrent qu'au prix d'un long compagnonnage ! Une réunion de quatre merveilleux solistes lors d'une unique soirée n'est qu'illusion de la beauté des chefs d'oeuvre de la musique de chambre !
Voici quarante ans que le Quatuor Ludwig sillonne le monde ! À Épinal, il a livré pour le plus grand plaisir des mélomanes une quintessence de son art au cours d'un périple viennois et français.
Avec sa série de six quatuors à cordes, Mozart rend hommage au père fondateur du genre, Joseph Haydn, qui dira à Leopold, le père de Wolfgang : « Votre fils est le plus grand compositeur que je connaisse, en personne ou de nom. Il a du goût et, qui plus est, la plus profonde connaissance de la composition. » En optant pour un tempo plutôt modéré, nos amis livrent du Quatuor en si bémol majeur K 458 « La Chasse », le quatrième du cycle, une interprétation tout en nuances et en élégance (Menuetto), poignante (Adagio), avant de s'enivrer des charmes joyeux d'un finale Allegro assai contrasté. La suite du programme est un saut dans le temps, car plus de 120 années séparent les partitions de Webern et de Ravel. Avec le Langsamer Satz (Mouvement lent) composé en 1905, Anton Webern, l'un des élèves et disciples d'Arnold Schoenberg, ne renie ni ses prédécesseurs, en particulier Brahms et Mahler, ni l'influence de Die verklärte Nacht (La Nuit transfigurée) de son maître. Oeuvre tonale d'une dizaine de minutes, ce Mouvement lent exige une rigueur dans la construction polyphonique que le Quatuor Ludwig possède avec évidence. On s'étonnera toujours que Ravel n'ait composé qu'un seul quatuor à cordes, car son unique est un modèle de construction, d'écriture et de puissance des idées thématiques. Sous les quatre archets et doigts, le Quatuor en fa majeur jouit d'une lumière, d'une homogénéité de timbres exemplaire et d'écoute mutuelle.
En bis, le Quatuor Ludwig choisit de mettre à l'honneur son deuxième violon, Manuel Doutrelant, qui a arrangé pour quatuor à cordes l'Adagietto de L'Arlésienne de Georges Bizet. Cette adaptation montre à quel point Gustav Mahler s'en est inspiré pour composer l'Adagietto de sa Cinquième symphonie.
C'est sur ce moment musical complice et tendre que s'est refermée cette soirée de musique de chambre qui s'inscrit avec bonheur dans la longue histoire des Concerts Classiques d'Épinal.
Olivier Erouart
Les Échos du Concert du Dimanche 7 janvier 2024
OHNE SORGEN ! (SANS SOUCI !)
L'Orchestre national Metz Grand Est et David Reiland à la Rotonde de Thaon-les-Vosges
Le titre renvoie non seulement à la polka composée en 1869 par Josef Strauss, l'un des trois frères de la fratrie, que David Reiland a dirigée lors de la deuxième partie du concert du Nouvel An, mais aussi au ressenti d'un public nombreux, chaleureux et heureux de pouvoir évacuer l'espace d'un instant les soucis et les tracas du quotidien et d'un monde en désolation.
En propos liminaires, j'ai rappelé les belles paroles du grand chef italien Riccardo Muti parus dans le magazine Diapason de décembre 2023 : « Le changement est là pour le meilleur et pour le pire. Il appartient à l'histoire du monde et de l'humanité. Mais le message de la musique est fondamental, surtout à l'heure où la spiritualité, la culture et le dialogue nous font cruellement défaut. L'idée même de jouer, chanter ensemble (ce que les Grecs nommaient "Symphonie") forme le meilleur socle pour penser notre société telle qu'elle devrait être. Une société harmonieuse où coexistent heureusement des idées différentes, mais qui s'unissent pour le bien de tous. »
Et si une musique a le pouvoir de rassembler le plus grand nombre, c'est bien la musique viennoise ! Songez aux centaines de millions de téléspectateurs et d'auditeurs qui suivent le rendez-vous incontournable du 1er janvier des Wiener Philharmoniker. David Reiland avait donc choisi quelques pages emblématiques de cette musique admirée par Wagner - saviez-vous que Johann Strauss fils avait dirigé la première viennoise de Tristan et Isolde ? - ou Brahms qui regrettait de n'être pas l'auteur du Beau Danube bleu.
La musique viennoise a des exigences tout à fait particulières faite d'un élan irrésistible, de fluidité, de souplesse dans la conduite des lignes et d'équilibre entre les pupitres et d'un sens du rubato qui doit être à peine perceptible. Sous la battue de son directeur musical, l'Orchestre national Metz Grand Est ne fait preuve d'aucune pesanteur et se singularise par un beau sens des nuances, notamment dans le Beau Danube bleu avec ses mesures introductives lentes et mystérieuses. Composée en 1867, la célèbre valse fut boudée par les viennois. En revanche, donnée à Paris lors de l'exposition universelle de la même année, elle triomphera lors d'une fête à l'ambassade d'Autriche, avant d'être interprétée devant la reine Victoria au Covent Garden de Londres.
Troquant la gestique pour l'oralité, David Reiland a conquis le public par une présentation des oeuvres où son humour a plus d'une fois fait mouche. Choix judicieux, car le terrain des musiques hispanisantes était moins familier des auditeurs et les explications se sont révélées d'agréables guides d'écoute. Entre España d'Emmanuel Chabrier et le Mambo de West Side Story de Leonard Bernstein, les trois pièces de la Suite Espagnole d'Isaac Albeniz et des pasodobles de Marquina Naro et de Penella ont su charmer l'auditoire, même si España et la Danse rituelle du feu de l'Amour sorcier de Manuel de Falla auraient gagné à davantage de contrastes dynamiques.
Le concert s'est refermé sur la tradition viennoise de la Marche de Radetsky de Johann Strauss père dont les accents entraînants font oublier qu'elle fut écrite en l'honneur d'un maréchal brutal qui contribua à écraser les révolutions indépendantistes des peuples de l'Empire austro-hongrois, en Italie notamment.
L'Orchestre national de Metz Grand Est et David Reiland seront de nouveau à la Rotonde de Thaon-les-Vosges pour un concert John Williams. Songez à réserver au plus tôt !
Olivier Erouart
7 janvier 2024
Les Échos du Concert du Vendredi 1er décembre 2023
La joie et la ferveur de Jean-Sébastien Bach à Saint Maurice
Aux côtés de ses Passions, l'Oratorio de Noël que Bach compose pour les fêtes de Nativité en 1734 à Leipzig appartient à ses grandes oeuvres chorales les plus souvent jouées dans le monde et, plus particulièrement, lors du temps de Noël. Le texte poétique de ce monument de la musique sacrée provient essentiellement des Évangiles de Saint Luc et Saint Matthieu et narre l'histoire de la Nativité : de la naissance de Jésus à l'adoration des Rois mages.
Les Concerts Classiques d'Épinal pour leur traditionnel concert de la Saint Nicolas ont proposé les trois premières Cantates en invitant l'ensemble nancéien Gradus ad Musicam dirigé par François Legée et les quatre solistes : Anne-Laure Hulin (soprano), Ian Honeyman (ténor), Arnaud Gluck (contre-ténor) et Paul Berthelmot (baryton).
La musique de Bach se nourrit d'une pulsation rythmique et d'un sens du relief que doit insuffler son interprète dès l'entame de l'oeuvre. Malgré une acoustique peu favorable et en optant pour un tempo modéré, François Legée imprime une certaine solennité au choeur d'entrée qui, avec ses timbales et ses trompettes, est parfait de rythme. Tout au long des Cantates, le chef de Gradus ad Musicam a non seulement animé le discours musical mais aussi apporté un soutien au discours de ses solistes qu'ils soient vocaux ou instrumentaux. Saluons les prestations du trompettiste, du hautboïste et des flûtistes !
La plupart du temps, les interventions de l'Évangéliste dont la charge est de présenter l'action reposent sur le seul continuo ce qui le distingue de ses complices chanteurs plus introvertis. Ian Honeyman qui souffrait de légers problèmes vocaux assez perceptibles a déployé des talents de comédien par des effets de scène et des gestes qui ont pu agacer certains auditeurs. En revanche, Anne-Laure Hulin et Paul Berthelmot sont éloquents tant dans la précision des mots que dans leur volonté d'émouvoir sans exagération, en particulier dans leur duo de la troisième Cantate. Le jeune contre-ténor Arnaud Gluck aura été la révélation vocale de cette soirée : beauté et justesse de la voix et du timbre. Assurément, un jeune artiste à suivre !
Un public venu nombreux a chaleureusement salué les artistes ! Qu'ils en soient ici remerciés !
Olivier Erouart
Ce concert a été donné dans le cadre des Festivités de la ville d'Épinal. Pour l'occasion, Patrick Nardin avait invité des représentants des villes jumelées et les sous-mariniers de l'Améthyste.
Les Échos du Concert du Jeudi 23 novembre 2023
Dialogue à quatre mains
Qui n'a pas assisté à un dialogue pianistique à quatre mains n'a pas connu ces entrelacs où les doigts s'effleurent et les mains s'entrecroisent. La musique y gagne en volatilité. À Épinal, Hervé Billaut et Guillaume Coppola, interprétant Les Valses de Brahms et le Divertissement à la hongroise de Schubert, ont traduit parfaitement leur inspiration et leurs émotions dans un dialogue affectif et esthétique. Se situant au croisement des influences viennoises, tziganes et d'Europe de l'Est, ils ont signé un retour aux sources original et merveilleux. Souvenirs d'enfance ludiques, sautillements primesautiers, courses échevelées... Les valses de Brahms invitent à la nostalgie comme le divertissement tout en contrastes de Schubert ranime la magie des ritournelles d'antan.
En contrepoint, Rêves d'Espagne ouvre un cycle solaire, autour de la Rapsodie Espagnole de Ravel, avec les Nouvelles danses espagnoles de Moszkowski et les Habaneras et les Gitanos de Mel Bonis. Le duo Hervé Billaut et Guillaume Coppola nous a proposé de magnifiques tableaux sertis de danses : où pointent par instants les clameurs et les airs de corrida, retrouvant ainsi l'âme même de l'Espagne ; où les artistes épousent la fibre espagnole des mères castillanes dans la langueur d'une chaude soirée d'été ; où quatre notes lancinantes s'égrènent avec lenteur, comme le temps qui passe, avant que ne se déchaînent les élans débridés d'une feria diabolique.
Le spectacle « Splendeurs autrichiennes et espagnoles » a recueilli l'unanimité du public. Ces tableaux musicaux ont déroulé leurs palettes chromatiques sous les doigts agiles et inspirés d'interprètes talentueux. Ce concert, qui n'a pas manqué de charme et d'élégance, a emporté les mélomanes pour un échange sentimental et esthétique, dans un univers magique où « les parfums, les couleurs et les sons se répondent ».
Jean-Pierre Moinaux
Les Échos du Concert du dimanche 12 novembre 2023
Depuis tant d'années, les Concerts Classiques d'Epinal offrent une passerelle vers la carrière professionnelle aux jeunes musiciens, d'où l'implication de ses dirigeants successifs dans l'organisation des finales ou le soutien apporté à d'autres associations comme le Concours international de piano d'Epinal.
Le 12 novembre à la Rotonde de Thaon-les-Vosges, les Concerts Classiques ont organisé la finale du Concours international de violon de Mirecourt. Nous aurions apprécié que notre fidèle partenariat soit davantage souligné lors de la remise des Prix.
À l'issue des épreuves de sélection organisées par les JMF à Mirecourt, ils étaient quatre à essayer une nouvelle fois de convaincre le jury présidé par Marianne Piketty : Hannah Kim (Coréenne du Sud), Jaewon Wee (Coréenne du Sud), Yixuan Ren (Chinoise) et Matthew Hakkarainen (américano-finlandais).
La prédominance de l'Asie dans les concours internationaux est une réalité qui montre le degré d'assimilation de notre patrimoine musical, alors que nous sommes à des années-lumière de compréhension de la culture musicale asiatique.
Les trois jeunes femmes avaient choisi le Concerto pour violon en ré mineur opus 47 de Jean Sibelius (1865-1957). Dans sa biographie du compositeur finlandais publiée par Fayard, Marc Vignal précise : « l'originalité du concerto réside en particulier dans les rapports soliste-orchestre et dans l'architecture de son premier mouvement. Le soliste et l'orchestre ne se renvoient jamais les mêmes thèmes [...], ni ne s'opposent en des luttes acharnées. [...] Il ne s'agit pas d'un ouvrage intégrant le discours du soliste dans un argument d'essence surtout symphonique, comme les concertos de Beethoven ou de Brahms, mais d'un concerto de virtuose. La virtuosité n'y est jamais gratuite, et l'orchestre, même lorsqu'il apparaît subordonné au soliste, n'a rien d'un orchestre guitare. » Marc Vignal résume la complexité de la relation entre soliste et orchestre. Nous avons été séduits par l'interprétation engagée de Jaewon Wee Wee qui a brillamment remporté le Premier Prix du Concours. Elle a trouvé une évidente osmose avec l'Orchestre national de l'Opéra de Lorraine placé sous la direction de William Le Sage qui, tout au long de la finale, s'est montré attentif aux sollicitations des solistes, tout en veillant à l'équilibre des plans sonores. Les deux autres candidates n'ont pas démérité, mais Hannah Kim que le tirage au sort a désigné pour débuter la compétition n'est jamais parvenue à s'immiscer dans le tissu orchestral et a rencontré des problèmes de justesse dans le premier mouvement. Le jury a peut-être rencontré des difficultés à départager Yixuan Ren de la lauréate, tant son interprétation sensible et juste nous a intéressés.
Le lyrisme incandescent et la virtuosité du Concerto pour violon en ré majeur opus 35 de Tchaïkovski a emporté l'adhésion des mélomanes qui ont salué l'interprétation de Matthew Hakkarainen : il a logiquement remporté le prix du public de cette 7ième Finale du Concours de violon de Mirecourt.
Les Concerts Classiques d'Epinal remercient en particulier la Caisse d'Epargne et le Crédit Agricole qui ont apporté leur soutien financier spécifique à la réussite de ce deuxième concert de la saison.
Rendez-vous à la prochaine finale du Concours le 16 novembre 2025.
Olivier Erouart
Résultats de la Finale du Concours International de violon de Mirecourt :
- Jaewon Wee Corée du Sud, 24 ans
1er prix - Matthew Hakkarainen États-Unis/Finlande, 23 ans
2ème prix - Yixuan Ren Chine, 19 ans
3ème prix - Hannah Kim Corée du Sud, 21 ans
4ème prix
Les Échos du Concert du Samedi 21 octobre 2023
"D'âme Nature"
Dans Capriccio de Richard Strauss, la poésie et la musique rivalisent d'arguments pour assurer auprès de la comtesse Madeleine la supériorité de leur art. Ni l'une ni l'autre ne l'emporteront ! Aujourd'hui et avec l'importance des moyens technologiques et numériques mis à la disposition des artistes, des scénographes et des metteurs en scène, il faudrait ajouter l'image qui, quelques fois, à être trop utilisée, gêne la continuité du discours musical et dramaturgique comme un récent Don Giovanni aux enfers à l'Opéra national du Rhin. Sans en faire une règle, cette approche visuelle trouve une juste place scénique comme le spectacle « d'Âme Nature » que les Concerts Classiques d'Epinal ont proposé lors du concert d'ouverture de la 77ième édition. Elle convient, car les images de la nature, d'archives deviennent le présupposé d'une réflexion que la poésie et la musique poursuivent.
Cette réflexion est celle qui est au coeur de la pérennité de notre civilisation : l'écologie. Dans une approche en quatre actes, Laure Baert, conceptrice et soprano, et Gabiel Grinda, scénographe, ont eu l'excellente idée de rappeler à nos mémoires les alertes de trois personnalités « rayonnantes et engagées » dont Mère Teresa. Ce retour à un passé pas si lointain renforce « le message écologique en le rendant plus intense » et plus urgent.
En 75 minutes, la nature est omniprésente qu'elle soit contemplative, spirituelle, amoureuse et sensuelle. Point de mort, alors que « notre maison brûle et nous regardons ailleurs ». Mais au contraire, une lumière finale de Frida Kahlo en message d'espoir : « Ta parole occupe tout l'espace et atteint mes cellules qui sont mes astres et retourne aux tiennes qui sont ma Lumière. »
Les textes de Sully Prudhomme, Colette, Raymond Devos, Jean Giono, Marcel Pagnol, Pétrarque, Jean Racine, Victor Hugo, Martha Meideros et Frida Kahlo déclamés avec sobriété par Jean-François Puymartin viennent en contrepoint des pages musicales chambristes - voix et piano - piano - piano et violoncelle - de Fauré, Saint-Saëns, Mel Bonis, Rimski-Korsakov - Massenet, Viardot, Liszt, Strohl, Poulenc, Piazzolla, Velázquez Torres.
Au-delà des qualités de chacune des musiciennes - Laure Baert, soprano, Elena Rozanova, piano et Diana Ligeti, violoncelle -, « d'Âme Nature » s'apprécie dans sa globalité et se savoure sans faim et sans fin...
Voici un spectacle qui vaut bien de longs, ennuyeux et fastidieux discours ! À prescrire sans tarder à certains dirigeants climato-sceptiques !
Ce spectacle du 22 octobre a été dédié à Dominique Bernard !