Comme "FRANCE-MUSIQUES", la station bavarde des musicophages, c'est avec un S, donc au pluriel, qu'il faut composer, cette saison, avec les programmes de l'Association spinalienne des "CONCERTS CLASSIQUES". Hier le jazz manouche, demain le tango argentin. Pourquoi pas? Puisque l'espace musical de la petite EUROPE, de MOZART à Richard STRAUSS, se respire désormais, à la pression atmosphérique de la mondialisation. Malheur à qui s'interdirait de respirer avant d'expirer!
En coopération avec "LAVOIR ENTENDU", le laboratoire spinalien de la buanderie jazzique, où l'on ne lave pas que du linge sale, les "CONCERTS CLASSIQUES" ont eu l'heureuse initiative d'organiser un five 0'clock convivial, placé sous le label "GRAPPELLI-MEMORY", en hommage au grand violoniste inspiré, et, par apparentement, à l'inoubliable Django REINHARDT.
Le plateau de "LA LOUVIÈRE" accueillait donc une formation manouche d'excellente descendance, rassemblant en quatuor :les guitaristes Christian ESCOUDÉ, et Marc FOSSET, le violoniste Florin NICULESCU et le bassiste Darryl HALL.
Pas de programme défini, mais plutôt une macédoine-surprise, laissée à la discrétion de chacun des solistes, mais encouragés avec le sourire, par le violoniste. Florin NICULESCU n'est-il pas le plus chargé des quatre, en gènes musicaux familiaux ?
Qu'il soit tombé en Février 1967, dans un bouillon de culture musicale au sein d'une famille tzigane, nul n'en douterait, à voir sa maîtrise du violon dont l'archet pétrit à la fois un solide tissu classique et festonne des arabesques et des enjolivures rythmiques très manouches. De ce distingué violoniste, on a pu apprécier la pureté du son, la vigueur du coup d'archet, la dextérité des inflexions jazziques, et, en général, ses talents d'animateur et de créateur d'ambiance. Il est aussi un bon entraîneur de ses partenaires. Avec eux, il pratique avec aisance, l'improvisation, le goût de la variation à partir d'un maigre thème ou d'une simple cellule rythmique. Bien vite, même les standards du jazz, ou les musts médiatiques (comme "NUAGES") sont interprétés, déstructurés, arrangés à la mode manouche.
Ce jeu d'alternance est amplifié par les guitaristes qui possèdent, ô combien, et exploitent le vocabulaire et la grammaire manouches. En particulier, ce phénomène de CHRISTIAN ESCOUDÉ, qui ne peut renier ses origines familiales et qui se révèle un soliste de très haute volée, faisant montre d'un pur sens mélodique infléchi par les mélismes essentiellement tziganes.
C'est aussi un chercheur, un théoricien en quête d'accords rares sans négliger le phrasé noble ,en opposition au débraillé du "portamento" de la chanson gitane.
De son côté, le guitariste Marc FOSSET, qui ne manque pas d'humour, ni de bonhomie, a su tirer parti de ses fréquentations manouches et de son admiration, lui aussi, pour le style de Django REINHARDT et de GRAPPELLI. On a pu l'admirer dans ses interventions solistes où il se conduit en guitariste raffiné, et particulièrement exigeant quant au respect de la pulsation rythmique dans les chorus.
Enfin, le contrebassiste américain Darryl HALL a su s'affirmer en sérieux représentant du jazz multiforme, du rythm'n' blues à la soul, jusqu'à la pratique du groove dans les registres graves de la basse acoustique. La qualité de son toucher et la rigueur de ses piz' dans les solos, ont été très remarqués et applaudis.
Il fallait donc ouvrir une oreille attentive pour apprécier les inventions, les trouvailles mélodiques ou rythmiques de ces pages de jazz souvent déshabillées et revêtues d'oripeaux nouveaux toujours à la mode manouche. Certes, on a eu la révélation d'un univers plus ou moins connu, plus ou moins accepté, mais qui, en fin de concert, a rallié une majeure partie de l'auditoire, cette fois très mélangé, mais en définitive, agréablement surpris et conquis par la sincérité et la présentation sympathique de ce quatuor de talents.
La descendance artistique de GRAPPELLI et de Django REINHARDT est fort bien assurée, on ne peut en douter!
P.J.